Élevée à 1,63 milliard de dollars, la dette extérieure commerciale de l’Équateur représente aujourd’hui plus de 50% de son PIB. Cependant, ce mardi 9 mai 2023, le gouvernement équatorien a annoncé réduire cette dette en s’engageant pour la protection de l’environnement, soit la conversion de dette en faveur de la nature la plus importante jamais réalisée au monde.

En effet, la banque Crédit Suisse va acheter des obligations équatoriennes à un montant de 1,628 milliard de dollars. Réalisée avec le soutien de la Banque interaméricaine de développement (BID) et de la Development Finance Corporation (DFC) des États-Unis, l’objectif de l’accord est la réduction de la dette équatorienne de plus d’un milliard de dollars et la mise en place de mesures écologiques de long terme dans la réserve protégée des Galapagos par les autorités équatoriennes.

« L’échange dette-nature est une étape historique qui marque un avant et un après dans le développement environnemental et économique du pays », a souligné José Antonio Davalos,  le ministre de l’Environnement équatorien. Selon le gouvernement, « ce mécanisme financier témoigne de la ferme volonté de l’Équateur de s’engager dans une transition verte vers une économie productive, inclusive et durable. ».

Quelle démarche financière pour cet accord ?

Dans le cadre de cet accord, le Credit Suisse a annoncé dans une note à la Bourse de Luxembourg qu’elle va investir plus de 644 millions de dollars dans l’opération. Les échéances de paiement sont déjà planifiées : les obligations équatoriennes seront payées en espèces par la banque zurichoise tous les 5 ans entre 2030 et 2040, à une valeur nominale inférieure à celle d’origine.

Les partenaires de la BID et de la DFC auront pour objectif de garantir la transaction et de l’assurer au risque politique que peut encourir l’Équateur.

La BID est aussi présente comme soutien aux politiques de renforcement institutionnel de la protection de l’environnement mais aussi de la gestion de la dette publique.

Le président de l’institution financière a déclaré que : « L’Équateur et la BID montrent la voie à suivre avec cette conversion de la dette en faveur de la nature. Non seulement il s’agit de la plus grande opération de ce type, mais c’est aussi la première fois qu’une institution multilatérale associe des garanties à une assurance contre le risque politique afin de mobiliser les ressources de différents acteurs en faveur de la conservation. ».

Les bonnes nouvelles pour la protection des Galapagos.

Grâce à cet accord, plus de 450 millions de dollars seront consacrés à la conservation de la faune et la flore des îles Galapagos. En effet, l’archipel équatorien du Pacifique recèle une biodiversité unique dans le monde, comme le montre la récente découverte d’un récif corallien vierge et pleine de vie au large de l’archipel. Entre tortues géantes, fous à pattes bleus, loups de mer et pingouins, il s’agit d’un écosystème immense mais fragile. Placée au patrimoine mondial de l’humanité, de nombreuses lois et accords protègent les îles, mais beaucoup reste encore à faire.

L’un des projets principaux  liés à ce rachat de dette est la création du conseil d’administration Galapagos Life Fund (GLF) afin de financer les activités de conservation des îles au cours des 18 et demi prochaines années. Celui-ci sera composé de diverses institutions publiques et les ressources seront aussi utilisées pour la préservation de la réserve marine des Galapagos et celle de la Hermandad, une zone protégée de plus de 198 000 kilomètres carrés créée dans l’archipel en 2022.

L’échange finance/environnement va permettre la protection de plus de 2 500 espèces marines, tels que des tortues de mer, des requins-baleines ou des requins-marteaux, des espèces migratrices en voie d’extinction. Cet échange va aussi permettre de mener des recherches sur la santé de l’océan et d’y veiller, mais aussi de renforcer la résilience climatique et de promouvoir la pêche durable.

Gustavo Manrique, le ministre équatorien des affaires étrangères, a déclaré que « cette réserve marine est spéciale en raison du processus participatif qui a présidé à sa création. Le gouvernement, le secteur de la pêche, le secteur universitaire et la société civile en général ont uni leurs forces pour accroître et renforcer les mécanismes de conservation de l’extraordinaire biodiversité des Galápagos. ». 

Il a aussi ajouté que « la conversion de la dette en nature est une reconnaissance de tout le travail accompli. C’est un exemple pour le monde entier de protection de l’environnement et de soutien à la recherche scientifique et à la production. Il s’agit là d’un véritable développement durable. ».

Le financement de la protection de la biodiversité en Equateur : des projets politiques contrastés.

Cette annonce en faveur de la protection de l’environnement est tout du moins contrastée avec la politique mise en place par le gouvernement du président Guillermo Lasso. En effet, le pétrole brut est le premier produit exporté en Équateur, avec plus de 500 000 barils par jour. L’actuel président a par ailleurs pour objectif de doubler la production de barils en passant à 1 million par jour, outre l’opposition des populations indigènes et des écologistes. Cependant, il s’agit d’un avancement considérable du gouvernement équatorien en termes de protection de l’environnement.

Entre 2007 et 2013, l’Initiative Yasuní-ITT, un projet du gouvernement de Rafael Correa, a vu le jour. L’initiative avait pour objectif l’implication financière de la communauté internationale et de la société équatorienne afin d’éviter l’exploitation d’un important gisement de pétrole découvert en Amazonie en 1990, dans le parc national Yasuní, l’un des parcs les mieux préservés au monde. Avec une promesse de participation des gouvernements internationaux à hauteur de 50% de la valeur du pétrole potentiellement exploitable, l’ex-président Correa n’avait reçu que 100 millions de dollars fin 2011, soit à peine 9% de la somme espérée les 4 premières années. Par faute de moyens financiers, le projet prit fin en août 2013 et l’exploitation pétrolière commença.

Tout comme l’actuel échange dette/environnement pour les Galápagos, il s’agissait d’un échange financier/environnement novateur mise en place en Équateur. Le pays recelant une biodiversité hors du commun, les gouvernements en Équateur, aussi divergents soit-ils, ont compris la nécessité de protéger son environnement et se placent comme précurseurs dans les méthodes à adopter.